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Le peuplement des iles
Le bassin
de la
Caraïbe est unique au monde pour au moins deux raisons
majeures:
Il
est premièrement la région qui possède
la plus grande diversité d’habitats et
d’écosystèmes du monde entier, et a,
dans ce sens, favorisé l’implantation et
l’épanouissement d’une extrême
variété de phanérogames des
régions tropicales de la planète, tant
médicinales que décoratives. Elles furent
l’apanage de somptueux jardins botaniques coloniaux des
siècles passés. Le légendaire jardin
botanique de saint- Pierre de la Martinique en fût un
célèbre exemple avant sa destruction par
l’éruption de la montagne Pelée, le 8
mai 1902, qui détruisit Saint-Pierre et ses trente-mille
âmes
Le
deuxième de ces facteurs qui touche aussi à la
diversité est le formidable brassage universel des peuples
et de leurs cultures qu’occasionna la traite des Africains
noirs au cours du dernier demi-millénaire. Un bref rappel
historique de ces lieues en mouvances humaines nous montrera de toute
évidence leur intérêt sur le plan de
l’évolution de l’espèce
humaine, des plantes et de l’écologie.
1600 à 700 Av J-C :
Populations pré-céramiques chasseurs- cueilleurs
venant du Venezuela.
600
Av J-C à 100 Ap J-C : Introduction de la
céramique par des agriculteurs- pêcheurs venant du
haut- Amazone, population dite «
Huécoïde. »
0
à 800 Ap J-C : Arrivée et installation des
populations dites « Saladoîdes » ou
«Arawak » venant du Haut du delta de
l’Orénoque.
650 à 1000 :
Arrivée des populations « Calviny » qui
supplantent la culture Arawak et des suazoîdes
détenteurs d’une culture mixte.
1000
à 1658 : Installation et occupation des petites Antilles par
les « Kalinas », peuples Caraïbes
pêcheurs- guerriers originaires du plateau de la Guyane ,
plus précisément de la région du
Surinam, qui déferlèrent sur les Petites-
Antilles, pourchassant et exterminant les paisibles Arawaks,
populations Taînos, jusque sur les Grandes- Antilles, en
épargnant toute fois les femmes qu’ils adoptaient
pour leur compte. Des survivants de ce peuple dit Caraïbe
massacré à son tour par les colons
français sont restés à la Martinique
jusqu’à la seconde moitié du
18° siècle, se métissant un peu
à la population noire, L’empreinte de la culture
des Caraïbes a marqué profondément la
culture martiniquaise, et son influence se fait sentir encore
aujourd’hui dans les mentalités.
12 Octobre 1490 :
Arrivée
de Christophe Colomb dans l’île de Guanahani dans
les Bahamas ; premiers contacts avec les « Taînos
», populations occupant les grandes- Antilles.
1493-1494 : Au cours de son
second
voyage ; C. Colomb découvre la Dominique, Marie-Galante, St.
Thomas, la Guadeloupe, Montserrat, Ste-Marie, Antigua, St. Christophe,
St. Jean de Porto- Rico, la Jamaïque.
1494 : Introduction de la canne
à sucre à St. Domingue, venant des canaries.
1498 : Troisième
voyage de
C.Colomb, qui découvre Grenade, Tobago et St. Vincent.
1502 : Quatrième
voyage de
C.Colomb, qui Passe à la Martinique, et découvre
St. Lucie, plus au sud.
1503 : Arrivée des
premiers
esclaves noirs à Hispaniola. ( St. Domingue).
1612 à 1616 :
Début de la colonisation anglaise avec la prise de la
Barbade.
1621 : fondation de la compagnie
des
indes occidentales.
1625 : Partage de
l’île de St. Christophe entre les Anglais et les
Français.
1635 : Richelieu fonde la
compagnie
des îles d’Amérique. Naissance du
système de l’exclusif. Prise de possession de la
Martinique par Belain Desnambuc et de la Guadeloupe, de St. Christophe
par Liénart de l’Olive et Duplessis..
1637 : Duparquet acquiert la
Martinique, Grenade, les Grenadines et Ste- Lucie.
1639 : La compagnie
autorise l’importation d’engagés (les
travailleurs français qui s’engageaient pour 36
mois) d’une part
et des esclaves achetés sur les côtes
d’Afrique d’autre part. Le
tabac est fabriqué en Martinique et nécessite
donc peu de main
d’œuvre faite essentiellement du concessionnaire
(celui à qui on a
donné le terrain sous forme de concession) et des
engagés. Au bout de
36 mois, les engagés demandaient à leur tour une
concession.
1640 : Début de
l’industrie sucrière à la Barbade.
La compagnie a des difficultés et vend
l’île à Dyel Duparquet, un seigneur
normand. Les
Indiens caraïbes sont les alliés de Duparquet. Un
édit du Roi interdit leur mise en esclavage pour des raisons
stratégiques.A l’époque,
très peu
d’esclaves sont sur les plantations martiniquaises. (environ
quelques dizaines).
1642 : Louis XIII autorise la
traite
des Nègres.
1645
: Des colons Juifs Hollandais,
expulsés du nord-est Brésilien par les
Portugais, passent en Martinique où ils apportent les
secrets de
fabrication du sucre. La culture de la canne à sucre
remplace celle du tabac aux Antilles et fait la fortune de la
Martinique au XVIIIe siècle. Avec les premières
techniques de
distillation du jus de canne, améliorées par le Père Labat (wiki)
dès 1694, s’ouvre l’ère de
l’alcool. Les
premières sucreries sont montées en Martinique,
les capitaux sont
fournis par les marchands des différents ports de France et
de la
région parisienne On se rend compte rapidement que la main
d’œuvre engagée est
insuffisante pour permettre le développement de la
production sucrière.
Les négociants et capitaines des navires poussent donc
à l’utilisation
d’esclaves. La traite
régulière s’organise d’abord
avec les Hollandais puis ensuite avec les
Français qui montent la compagnie du
Sénégal. Celle-ci obtient les
primes du Roi de France (Louis XIV) pour chaque tête
d’esclave
introduite en Martinique. L’île de
Gorée, au large de Dakar, sera l’un des lieux de
concentration de la traite française qui part du Havre, de
Nantes, de la Rochelle … La
pacotille est échangée contre des esclaves aux
trafiquants de la côte des esclaves (du
Sénégal
jusqu’au Nigeria actuel).
1648 : Mort de Duparquet et
massacre
des Caraïbes de la Martinique.
1660 : Traité de paix
de
Basse-Terre( Guadeloupe) entre les Anglais et les Français.
Dominique et St.-Vincent sont
reconnue
officiellement possession Caraïbe.
1665 Les Anglais prennent aux
Hollandais St.–Eustache, Sabbat, Curaçao, et leurs
établissements de St.-Martin
1666-67 : Guerre de
Dévolution. Premier grand conflit aux Antilles entre
l’Angleterre et la France.
Les Anglais sont
chassés de
St. Christophe par les Français. Prise de Montserrat et
d’Antigua par les Français.
1667 : La France restitue
à
l’Angleterre Montserrat, Antigua, et St.-Christophe.
1685 : Colbert, ministre
de louis XIV, synthétise dans un texte sous le nom de
"code noir " l’ensemble des instructions concernant les
esclaves dans
les colonies
1685-1717 :La Martinique se
couvre de
sucreries. L’île est revenue dans le domaine
Royal.Il faut
environ entre 2 et 3 esclaves par hectares plantés en canne.
La
Martinique a plus d’esclaves que de colons. L’un
des
problèmes auxquel est confronté le
système
esclavagiste est double : d’une part il existe une
résistance des esclaves sous toutes ses formes
(révoltes,
empoisonnement, suicide…) et d’autre part le
problème de l’équilibre du ratio entre
les hommes
et les femmes pour permettre la naissance d’esclaves. Il faut
donc importer des femmes. Le statut des enfants suit le sort de la
mère : un enfant né d’une
mère esclave et
d’un père libre deviendra esclave.
1715 : Plus de 1400
expéditions régulières partent de
Nantes.
1717 : Révolte des blancs appelée "
Gaoulé (wiki)
" contre le gouverneur et l’intendant qui sont
renvoyés au
régent. Le port de Nantes va être
autorisé à
s’occuper du trafic de traite des esclaves.
1787-1788 : La Martinique sert de point de passage du ravitaillement en
armes des insurgents américains contre les Anglais.
Rochambeau
(wiki), qui a commandé aux USA, est envoyé comme
gouverneur de la Martinique au début de la
révolution.
1789-1790 : Les Anglais essayent
d’occuper
l’île et Rochambeau mobilise les milices pour
résister et incorpore des esclaves dans ses troupes en leur
promettant la liberté s’ils se comportent comme
des
soldats. On appelera ces esclaves sous la restauration après
1818 "les libertés Rochambeau" et parfois "libres de fait"
ou
"libres de Savane".
L'Abbé GrégoireComme pendant la
révolution il est
impossible d’exporter les sucres vers la France en pleine
guerre
révolutionnaire et d’importer la nourriture
nécessaire en particulier aux esclaves, ces derniers doivent
se
débrouiller eux-mêmes pour planter ce
qu’ils vont
manger. La pression des maîtres sur eux diminue.
1793 : Révolution française.
A la suite des pressions organisées par la
société
des amis des noirs et d’humanistes comme
l’Abbé
Grégoire (wiki), la convention proclame
l’abolition de
l’esclavage.
La Martinique ne reconnaîtra pas l’abolition
contrairement
à la Guadeloupe car le groupe de colons mené par
Dubucq
va être occupé par les Anglais.
Janvier 1794 : Les républicains acceptent de faire appliquer
plus franchement la loi égalitaire votée en mars
1792 par
la législative. La majorité des libres de couleur
change
de camp, pendant que leurs anciens alliés
négocient la
remise de l’île à
l’Angleterre. Après
la capitulation de mars 1794, les défenseurs de la
République sont déportés par les
anglais.
L’abolition de l'esclavage, votée par la
Convention le 4
février 1794, est restée sans effet à
la
Martinique du fait qu’elle appartienne aux anglais.
C’est
la différence avec la Guadeloupe où
l’esclavage a
été aboli au temps de Victor Hugues, commissaire
de la
République. L’esclavage y sera rétabli
le 19 mai
1802 sous le règne de Napoléon 1er.
1814-1830 : La majorité des Blancs estime que seuls un
régime inégalitaire ignorant la
séparation des
pouvoirs et le système représentatif permettront
la
survie de la colonie. Lors de la rédaction de la Charte de
1814,
ils obtiennent le rétablissement provisoire des institutions
de
l’Ancien Régime. Sans précipitation,
les
gouvernements de la Restauration s’efforceront
d’amener les
colons à accepter le droit commun.
1822-1826 : La dégradation de la situation
économique
liée à la taxation des sucres à
l’entrée en France, puis au début de
l’industrie betteravière, entraîne des
résistances. En même temps, hommes libres de
couleur et
esclaves sont suspectés de tendances
séparatistes. On
prétend que l’usage du poison ferait partie de
leurs
arguments. Au mois d’octobre, des demi-libres se
révoltent
au Carbet. Les accusations de subversion portées en
décembre 1823 contre Bissette, un cadre de couleur, et les
déportations massives opérées en 1824
pour
décourager les velléités de
réformes
égalitaires du gouvernement, n’empêchent
pas le
système représentatif de
réapparaître en
1826, sous forme d’un Conseil général,
élu
par une très petite minorité. Cependant, deux ans
après, la réforme judiciaire échoue.
1830-1833 : Les libres accèdent à tous les
emplois et
deviennent électeurs et éligibles.
L’enseignement
primaire se développe. Néanmoins,
l’égalité reste limitée.
La préparation des élections au Conseil colonial
qui
remplace le Conseil général développe
l’agitation. En décembre 1833, dans la paroisse de
Grand’Anse (aujourd’hui le Lorrain) où,
de plus, les
planteurs ont refusé la nomination d’un officier
de milice
de couleur, une révolte, soutenue par la ville de Marigot,
entraîne la dissolution de la milice.
L’amélioration
du sort des l’esclaves est liée à une
reprise
démographique qui compense l’arrêt de la
traite.
Elle annihile en partie les efforts de l’Etat qui,
après
26 000 affranchissements, n’a vraiment réussi
à
régler que le sort des libres de fait, personnes affranchies
dont la liberté n’était pas reconnue
par
l’administration.
1845 : La première usine, celle de John Thorp, est
créée et engendre de nouveaux rapports de forces
en
réduisant les habitations des alentours au rôle de
fournisseur de cannes. En contrepartie, celles-ci n’ont plus
besoin du travail de nuit et leurs revenus augmentent. Mais le besoin
d’une main d’œuvre, que l’usine
ne pourra
trouver facilement que lorsque chacun pourra offrir son travail
librement, contribue à faire admettre le remplacement de
l’esclave par l’ouvrier.
1848 : En février, la révolution est accueillie
avec
soulagement. Le décret d’émancipation
est
signé à Paris le 27 avril. Il ne sera connu que
le 3
juin. En avril, le décret du 4 mars créant la
Commission
d’émancipation fait parler
d’émancipation de
droit, car "nulle terre française ne peut plus porter
d’esclaves".
Loin de poursuivre les marrons, les maîtres expulsent les
fortes
têtes. Des ateliers en grève réclament
case, jardin
et salaire comme attributs de la liberté.Victor Schoelcher
Victor Schoelcher (wiki), secrétaire d’Etat
à la
marine et aux colonies, est un homme très important
à
cette période. Il est l’ennemi juré de
Bissette qui
a refusé de le nommer à la Commission
d’émancipation. Ses amis se mobilisent pour faire
réparer cette injustice. Des émeutes
s’en suivent.
22 mai 1848 : Des capitalistes réclament
l’émancipation immédiate. Les
abolitionnistes, qui
attendaient l’arrivée du polytechnicien de couleur
Perrinon, reprennent cette solution à leur compte. La
décision locale d’abolition, du 23 mai, permet aux
Martiniquais de proclamer leur fierté d’avoir pris
leurs
affaires en main à un moment crucial.
Les émeutes du 22 mai ont provoqué la
proclamation de
l’émancipation onze jours avant
l’arrivée du
décret. Les nègres ont brisé leurs
chaînes
("Nèg pété chenn").
1845-1885 :importation de
populations hindoues et
chinoises afin de remplacer la main d’œuvre servile.
1857: Introduction ds premiers travailleurs Congolais
L’espace-
temps si rapidement parcouru nous permet de faire néanmoins
un certain nombre de constatations de la plus haute importance pour
bien comprendre pourquoi les méthodes et
thérapeutiques ethniques de nos régions restent
dans un mode «vernaculaire», qui signifie
qu’elle s’est édifiée non
seulement avec les plantes, mais avec tous les
éléments qui, dans des conditions de survie
draconiennes qui sont celles des temps que nous venons de citer,
pouvaient porter un concours si minime soi-t-il au
rétablissement de la santé, utilisant les notions
et les conceptions primaires de tous les partis en présence,
et ne peut se rattacher directement à aucune des grandes
traditions médicales en particulier. La médecine
vernaculaire est inspirée de l’environnement
immédiat, et représente la « trousse
d’urgence » de l’habitant des tropiques
et a su récupérer à son profit
absolument tous les éléments de
proximité, animaux, insectes,
végétaux, produits de l’industrie ou
domestiques d’usage courant : Sel, vinaigre, suif, rhum,
ammoniaque, vins ou bières.. On peut dors et
déjà déterminer les influences propres
à chaque peuple ; les Européens
emmenèrent avec eux leurs concepts de la
médecine, tout comme les captifs africains, mais aussi leurs
spécialistes en toutes ces matières propres
à leur survie. Les Africains avaient pour eux leur
extrême connaissance de l’alchimie de la nature, et
des méthodes intuitistes vieilles de plusieurs
millénaires dont ils connaissaient seuls les secrets.. Pour
leur part, les Caraïbes, rapportent les premiers chroniqueurs
comme les pères Du tertre, Breton et Labat, apprirent aux
premiers colons européens l’utilisation des
plantes médicinales. Au moins une des grandes
théories de la thérapeutique holistique
était connue et appliquée par tous : le principe
que le remède n’est jamais bien loin du mal.
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